Fête de la Musique 2024 à la BLGF : retour sur la vision révolutionnaire de Maurice Fleuret

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A l’occasion de l’édition 2024 de la Fête de la Musique, la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret (BLGF) célèbre cet évènement phare autour de la musique et de la culture avec un récital de piano gratuit présenté par Ionah Maïatsky, un jeune talent franco-slave.

Célébrée chaque 21 juin, la Fête de la Musique est devenue une tradition incontournable dans de nombreux pays du monde. Cet événement, qui encourage la pratique de la musique à travers des concerts gratuits dans les rues, les parcs et autres espaces publics, trouve ses racines en France. Son histoire est indissociable de la vision et du travail de Maurice Fleuret, un pionnier et visionnaire dont les innovations continuent d’animer la culture française.

La création de la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret et celle de la Fête de la Musique ont une résonance particulière, toutes les deux étant le fruit de l’influence avant-gardiste de Maurice Fleuret dans les années 1980. Pour lui, la musique était un moyen de rassembler les gens et de promouvoir le dialogue interculturel.

Maurice Fleuret et les origines de la Fête de la Musique

Musicologue, compositeur, collectionneur, journaliste et passionnée par la diffusion musicale, Maurice Fleuret était un homme exceptionnel et à la fois intransigeant.

Directeur des Semaines Musicales Internationales de Paris (SMIP), il réunissait des amateurs et professionnels de la musique depuis des années, à travers la création d’expériences qui préludent la création de la Fête de la Musique. En 1974, avec son ami et collaborateur Henry-Louis de La Grange, il crée les journées « Paese in Musica » au festival des Nuits d’Alziprato en Corse, résonnant de toutes sortes de formations musicales, depuis les chœurs traditionnels jusqu’aux grands solistes internationaux, dans tous les espaces publics les rues, sur les places, dans les cours intérieures, les monuments et les églises de petits villages de la Balagne – Monticello, Corbara, Zilia. L’expérience est renouvelée au Festival de Lille, dont il a pris la direction en 1977 à la demande du Premier ministre Pierre Mauroy, et qui propose des « concerts-promenades », tout un week-end dans des quartiers de ville.

En 1981, il est nommé Directeur de la musique et de la danse par Pierre Mauroy et Jack Lang, alors ministre de la Culture. Dès le début, Fleuret et Lang partagent une vision commune : démocratiser l’accès à la musique et encourager la pratique amateure. Fleuret réorganise l’administration, qui s’occupe désormais de toutes les types de danses et musique, et pas seulement de celles considérées comme « savantes », créant une décentralisation et une démocratisation culturelle qui réduisent les inégalités artistiques, professionnelles, sociales et géographiques.

Le directeur, inspiré par une étude révélant que cinq millions de Français (dont 1 jeune sur 2) jouaient d’un instrument de musique, rêve d’une manifestation qui donnerait à chacun l’occasion de partager son amour pour la musique, quel que soit son niveau de compétence. Il souhaite casser les barrières entre les différentes formes de musique et les différents types de publics.

Ainsi, la philosophie fleuretienne « la musique partout et le concert nulle part » donne vie à l’idée de la Fête de la Musique, une révolution musicale qui se déroule tous les 21 juin, jour du solstice d’été et nuit la plus courte de l’année, un symbole de renouveau et de l’universalité de la musique.

Maurice Fleuret comprenait la musique comme l’un des ferments de notre société, que nous sommes tous mélomanes mais aussi musiciens, et qu’il suffit de le rappeler, de le révéler, pour faire vivre ce que nous appelons aujourd’hui « droits culturels » et qu’il préférait qualifier de « démocratie » (et non démocratisation) de la culture.

En 1982, la première édition « Faites la musique », construite par Fleuret et son collaborateur Alain Surrans, Lang et l’architecte-scénographe Christian Dupavillon est un succès retentissant. Des musiciens professionnels et amateurs investissent les espaces publics créent une ambiance festive et conviviale qui séduit vivement les Français. Cette vision dépasse les frontières de la France, et la Fête de la Musique s’exporte rapidement à l’étranger à partir de 1985, l’Année européenne de la Musique, devenant un événement international célébré dans plus de 120 pays.

La Bibliothèque Musicale La Grange-Fleuret (BLGF)

En parallèle de son engagement pour la Fête de la Musique, Maurice Fleuret a également laissé une empreinte durable dans le domaine de la préservation et de la transmission du patrimoine musical. La Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret (anciennement bibliothèque musicale Gustav Mahler puis Médiathèque Musicale Mahler) est née de la vision altruiste de deux figures emblématiques, Maurice Fleuret et Henry-Louis de La Grange, dans le but de rendre leurs collections personnelles accessibles à un large public.

Fondée en 1986, la Bibliothèque musicale Gustav Mahler puis BLGF s’est imposée comme un espace de recherche et de pratique unique. Ouverte aux étudiants, aux chercheurs, aux mélomanes et aux professionnels de la musique, elle se distingue également en tant que lieu de diffusion, de médiation et de partage des savoirs pour tous les publics.

Avec une bibliothèque de 30.000 volumes en français et langues étrangères, une discothèque de 50.000 références (vinyles et disques compacts), une partothèque de 16.000 partitions, une photothèque de plus de 8.000 références, 200 collections de revues, 18.000 dossiers documentaires sur la vie musicale et 40 fonds d’archives (Gustav Mahler, Marguerite Long, Yvonne Lefébure, Sylvain Dupuis, Paul Le Flem…), la BLGF est l’une des plus grandes bibliothèques musicales en Europe.

Presque 40 ans après sa création, la BLGF continue d’être un pilier de la vie musicale et culturelle à Paris. En complément de ses missions de préservation et de recherche, l’association offre une programmation riche et diversifiée de concerts, récitals, masterclasses, colloques, événements privés… Elle est devenue un carrefour où se croisent les passionnés et les curieux, animés par le même désir de célébrer et de partager la musique sous toutes ses formes, perpétuant l’héritage de ses fondateurs.

Depuis 2016, une coopération culturelle renforcée avec la Fondation Royaumont a permis de réunir leurs fonds documentaires et patrimoniaux sous une même bannière dénommée « Bibliothèques Royaumont », enrichissant ainsi l’expérience culturelle des amateurs de musique et des chercheurs.

La Fête de la Musique 2024 à la BLGF

La Fête de la Musique et la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret témoignent de la vision audacieuse et de l’engagement de Maurice Fleuret pour la démocratisation de la musique et la valorisation du patrimoine musical. Grâce à son travail acharné et à sa passion, Fleuret a réussi à transformer la scène musicale française et à créer des espaces où la musique est célébrée, partagée et préservée pour les générations futures.

En 2024, la BLGF revient sur son passé et renoue les liens avec la Fête de la Musique, en la célébrant à nouveau dans ses espaces autour d’un récital de piano.

En coproduction avec le label Little Tribeca, la BLGF accueillera Ionah Maïatsky, un jeune talent d’origine franco-slave qui jouera un programme composé des œuvres de Johann Sebastian Bach, Frédéric Chopin, Claude Debussy, Maurice Ravel et Alexandre Scriabine.

Née en 2001, le jeune formé à Lausanne en piano, orgue, improvisation et musique de chambre, intègre le CRR de Paris en 2014 et le Conservatoire National Supérieur de Paris en 2018. Depuis la rentrée 2023, il se perfectionne auprès de l’illustre pianiste géorgienne Elisso Virsaladze à Florence.

Maïatsky s’est déjà distingué lors de concours internationaux tels que le premier prix au concours Albert Roussel à Paris (2021), le deuxième prix et le prix de la Belle Saison au Concours International de Musique de Chambre de Lyon (2022) avec le violoncelliste Paul-Marie Kuzma – qui forme à ses côtés le duo Ermitage depuis 2018 -, et le Grand Prix de l’académie Ravel à Saint-Jean de Luz (2023).

Passionné aussi bien par le répertoire pour piano seul que par la musique de chambre, il se produit régulièrement lors de festivals tels que le Festival Ravel, Lavaux Classic, les Pianissimes, la Belle Saison, les Concerts de Poche, les Chaises Musicales du quatuor Ébène, le Centre de musique de chambre de Paris et d’autres. Le pianiste est soutenu par la fondation Gourdon Fonds depuis 2022 et la fondation Goélands depuis 2024.

Au programme :

J.S. Bach/Alexandre Siloti : prélude en si mineur

Frédéric Chopin : Scherzo 1 op. 20 ; Mazurka op.17 no. 4 ; Scherzo 2 op. 31 

George Crumb : Dream images (love-death music) Scherzo 3 op.39

Claude Debussy : Ondine (extrait des préludes)

Maurice Ravel : Ondine (extrait de Gaspard de la Nuit/Aloysius Bertrand)

Boris Lyatoshynsky : extraits des préludes op. 44

Alexandre Scriabine : étude op.42 no.5 affanato (à bout de souffle)

Retour sur l’événement – Mise à jour le 27 juin 2024

Plus de 70 personnes ont assisté au concert du jeune pianiste Ionah Maiatsky le 21 juin ! Petits et grands sont venus pour célébrer la Fête de la musique ainsi que Maurice Fleuret, qui a créé aux côtés de Jack Lang cette manifestation annuelle au succès devenu international.

Article rédigé avec la contribution d’Alain Surrans